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LE ROYAUME DE BAHAM [Haman Mana : «Dans chaque royauté, l’histoire a au moins quatre mouvements»]

Le Royaume du Peuple Baham

GUA GUEFFA TA'A TOMDJAP

Sa Majesté POUOKAM II Max, Roi des BAHAM

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Haman Mana : «Dans chaque royauté, l’histoire a au moins quatre mouvements»


Par Lindovi Ndjio / LaNouvelleExpression.info

21 septembre 2010



Le journaliste, parle de Roi et royaumes Bamiléké, un nouveau livre dont il est co-auteur et de l’histoire des peuples de ce l’aire culturelle camerounaise, objet de l’étude.

Vous êtes co-auteur de Roi et royaumes Bamiléké, un livre qui recense brièvement l’histoire des Bamiléké. Quel sens lui donnez-vous ?

C’est une œuvre de préservation parce que les histoires des parcours qui jusqu’ici, étaient oraux, ont pu être rassemblées en un seul ouvrage qui est désormais écrit. C’est la première fois qu’il y a une somme de cette espèce de la nation bamiléké. C’est notre contribution à la préservation, à la conservation de ces histoires qui peuvent disparaître si on continue à faire confiance à la transmission orale, parce que nous sommes à l’ère de l’écriture ; et nous disposons un certain nombre d’éléments pour pouvoir comprendre globalement de quoi il est question. Il pose des questions et balise les pistes que nous avons suivies de manière à ce que ceux qui lisent l’introduction du Pr Ghomsi savent exactement de quoi on parle. Il est un substrat théorique. A mon avis, c’est la première fois qu’un ouvrage public aborde de façon globale et de façon transversale la question de façon historique, sociologique et anthropologique.

C’est 99 «rois et royaumes» présentés. Pensez-vous avoir tout donné ? 

Dans les royaumes bamilékés, chaque entité, chaque royaume, chaque village a son histoire qui est racontée par les pères aux fils, qui est racontée par les grands-pères aux petits fils. Et c’est cette histoire-là que nous sommes allés capturer. Nous sommes allés la prendre là où elle est le mieux préservée. Elle est préservée essentiellement dans les palais royaux. C’est là qu’il y a nos rois. Le roi connait le notable qui sait le mieux raconter. Chaque fois, nous sommes allés vers la source la mieux indiquée pour qu’on nous raconte l’épopée, parce que dans chaque royauté, l’histoire a au moins quatre mouvements que nous sommes allés rechercher : il y a le mythe fondateur, la lutte pour l’établissement avec les voisins. Ensuite, il y a la rencontre avec le communicateur et la lutte pour l’indépendance du Cameroun. Cette uniformité a facilité que nous puissions écrire. 

L’avant-propos souligne une méconnaissance des Bamiléké ; ce qui «ne renforce pas le sentiment national». Voyez-vous un problème Bamiléké en ce sens ? 

Il n’y a pas un problème bamiléké. Aussi curieux que cela puisse paraitre, les gens se marient entre eux, les gens font des enfants les uns avec les autres, ils se côtoient dans les bureaux, les funérailles, un peu partout; il y a une espèce de mélange qui n’en est pas en fait ; parce que les uns vivent dans la méconnaissance complète des autres. S’il y avait connaissance les uns des autres il y aurait compréhension. C’est parce qu’il y a méconnaissance qu’il y a incompréhension et peut-être conflit. La compréhension commence par la connaissance. Et c’est cette œuvre que nous faisons. C’est pour cela qu’au sortir d’ici, nous sommes en train de travailler sur d’autres terroirs camerounais.

De quel Bamiléké parlez-vous ? Le Bamiléké du colon ou anthropologique ? 

Nous nous sommes tenus au terme Bamiléké tel que la colonisation l’a circonscrit. Nous nous sommes basés sur ce qui est, parce qu’il est impossible de nier ce qui est. Depuis 1902 qu’on a utilisé le terme pour la première fois ? On ne l’a plus changé. Il désigne une réalité tangible. 

Dans les textes, apparait aisément votre style de journaliste; est-ce une enquête journalistique ou une recherche anthropologique ? 

C’est un travail journalistique au sens basique du terme. Mais j’insiste là-dessus, c’st un travail d’archivage, un travail de recension et de conservation que nous avons fait. Maintenant, nous avons utilisé des techniques diverses, empruntées à des disciplines diverses telles que l’anthropologie, la sociologie, l’histoire et même la science politique. C’est un livre qui est au carrefour de toutes les sciences modernes. Nous avons fait appel à des compétences diverses. Vous constatez par exemple que dans l’introduction générale, que nous avons demandé aux meilleurs spécialistes de l’histoire des Grassfield, le professeur Ghomsi Emmanuel, de poser le problème. 

Pensez-vous que les rois Bamiléké sont toujours respectés comme avant ? 

Les royautés Bamiléké évoluent avec leur temps, à ce qui me semble. Un roi de 1900 et un roi de 2000 ce n’est plus la même chose, parce que les réalités sont différentes cent ans après. Les royautés ont épousé l’évolution socio-économico-politiques de leur monde. Une chose est sûre ; il y a un respect clair des «sujets» de chaque chef. Les populations reconnaissent leur chef ; les populations qui répondent d’un, qui se reconnaissent en un chef, le respectent en général. Les populations peuvent défier un chef pour des raisons évidentes, mais ce n’est pas nouveau. Même dans le passé, et cela se retrouve dans ce livre, il y a des gens qui ont défié des chefs, et c’est même pour ça qu’il y a eu de nouvelles chefferies. Parce que les royautés bamiléké sont nées dans la scissiparité, sur la révolte, sur le refus, sur l’incompréhension, sur l’insatisfaction de sujets, de fils, de petits-fils par rapport à ce qui se passait avant ! 

Aujourd’hui, est-on sur la voie de la déperdition ou d’un ajustement à la modernité ? 

Les royautés Bamiléké sont obligées de vivre avec leur temps parce qu’il y a la république du Cameroun dont elles font partie… et elles sont commandées par les différentes autorités administratives. Ça c’est la réalité administrative, mais il y a une autre réalité qui est magico-religieuse : les rois Bamiléké détiennent un pouvoir immense. Si le roi Bamiléké vous dit que «vous n’allez pas pleurer votre mère», vous ne la «pleurerez» pas. S’il vous interdit de l’enterrer, vous ne l’enterrerez pas. Faire les funérailles de ses parents chez les bamiléké c’est quelque chose d’essentiel, un acte de réconciliation, mais le chef peut vous refuser ça. Et si vous ne les faites pas, vous n’êtes personne. Il peut planter un piquet ici et vous dire que les femmes n’iront pas au champ aujourd’hui et elles n’y iront pas. C’est pour dire qu’ils sont détenteurs d’un pouvoir qui continue d’être immense. On salue le chef dans une position de prosternation complètement incompréhensible. Celui qui le fait ne vous dira jamais pourquoi il le fait. 

Ne pensez-vous pas tout de même que le pouvoir royal Bamiléké perd de sa vigueur ?

Ce n’est pas la première fois que le pouvoir des souverains bamiléké est menacé. Ce pouvoir a été fortement menacé pendant la période du Maquis. Vous savez que le maquis a été aussi une grosse jacquerie paysanne, une jacquerie des cadets sociaux contre les monarchies et le pouvoir colonial. Leur pouvoir a été menacé avec l’arrivée des colonisateurs. Donc le pouvoir de ces rois est menacé tous les jours, mais c’est à eux de mettre en place, et ils l’ont fait, le système qui permet de laisser surnager leur système contre les autres systèmes politiques. Même les systèmes politiques en place dans nos républiques, dans nos Etats soi-disant modernes sont en tout moment menacé et essaient de surnager en maintenant les populations. Je veux dire que tout pouvoir à tout moment est en train d’utiliser les jeux d’équilibre qu’il faut pour pouvoir rester en place. 

Dans les portraits des co-auteurs du livre, revient le terme grisonnant, faisant référence à la mue, une manie que vous avez. S’agit-il d’une nouvelle mue ?

 J’ai commencé à exercer le métier de journaliste en 1985, nous sommes en 2010, j’ai 25 ans de journalisme. C’est beaucoup et c’est bien. Mais je pense que je peux aussi apporter à d’autres métiers différents. Ce n’est pas une mue, ce n’est même pas une mutation. C’est un développement, une révélation que je suis en train d’opérer et que je suis en train de regarder de près. Et parce que l’écriture journalistique est quelque chose de magnifique. Mais l’écriture littéraire et historique est quelque chose d’essentiel, parce qu’elle appartient à la pérennité. J’ai été forgé à l’école de l’écriture journalistique, mais ça ne m’empêche pas de me déplacer vers d’autres types d’écriture.






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