Par Stéphane Tchakam / Le Jour
17 septembre 2010
C’est inédit, les éditions du Schabel, éditeur camerounais, publient « Rois et Royaumes Bamiléké », un beau livre avec des images et juste ce qu’il faut d’écrit.
Les Bamiléké, tout le monde en sait quelque chose au Cameroun et à travers le monde. De manière éparse, empirique, inconsistante, avec la bonne dose de ces clichés rebattus et éculés.
Les Bamiléké demeurent un peuple mal connu qui, depuis des décennies pourtant, a été passé au crible de toutes les sciences humaines. Une communauté singulière, objet d’une curiosité et d’un intérêt au moins justifiés par l’attachement viscéral à sa culture et à son patrimoine ancestral. C’est en effet l’un des rares peuples dont la colonisation n’a pas réussi à éroder le pouvoir des traditions et de ceux qui les incarnent, les rois. Des souverains vénérés et craints qui règnent, chacun, sur son royaume. Souvent à peine plus grand qu’un quartier.
Voilà qui en rajoute au mystère qui continue d’entourer des populations sur lesquelles on peut en effet continuer de s’interroger. Pourquoi sont-elles si attachées à leur « village royaume » ? Pourquoi chaque Bamiléké se reconnaît-il dans son roi ? Comment ces chefferies, si semblables, restent indépendantes ou distinctes les unes des autres ? Comment se sont-elles construites au point, aujourd’hui, d’aligner plusieurs dynasties ?
Ce n’est pas un énième livre d’ethnologie qui répond à ces questions. Mieux que cela : « Rois et Royaumes Bamiléké ». Un beau livre qui, à lui tout seul, fait le pari de l’exhaustivité, de la précision et bien sûr de l’esthétique. Paru aux Editions du Schabel, nouveau venu dans l’édition au Cameroun, « Rois et Royaumes Bamiléké » promène son lecteur à travers les grassfields, riches de plus 150 chefferies, les royaumes donc. A chaque halte, en chaque palais, la destinée de chaque royaume est contée, recueillie à la bonne source, auprès de ceux qui, de bouche à oreille et de génération en génération, la conservent et la transmettent. Chaque royaume a sa petite histoire fondatrice et souvent anecdotique. Rien à voir avec les poncifs empreints d’humour du chanteur Saint Bruno. A Bamesingue, c’est « une affaire de jumeaux ». A Bamendjida, tout est arrivé « grâce à un buffle ». A Bapi, les hommes sont venus du ciel. Les Batoufam ont eu leur royaume « pour l’amour d’une princesse »…
Décorum et faste
« Rois et Royaumes Bamiléké », c’est une impressionnante galerie de portraits royaux qui n’a pourtant rien à voir avec un ennuyeux trombinoscope. Les rois, tels de vrais personnages de théâtre, se sont prêtés au jeu. Pour faire de cet ouvrage une fresque vivante et chamarrée. Les « Fo » ont le plus souvent posé seuls, des fois avec leurs « Nkamvu », les grands notables, des fois avec leurs épouses ou leurs « Ntchinda », leurs serviteurs. Toujours avec le décorum, le faste et les atours de ces monarchies qui n’en manquent pas. Loin de là . Même si la tradition n’a pas d’autre choix que celui de cohabiter avec la modernité. Il est en effet assez inattendu de voir Fo Tankoua Thomas, roi de Bamaha depuis 1940, doyen des rois Bamiléké du haut de ses 105 ans, aujourd’hui non voyant, arborer une tenue traditionnelle agrémentée par des baskets. Comme Usain Bolt.
« Rois et Royaumes Bamiléké » se met à la hauteur des standards internationaux et ne pâlirait pas devant les ouvrages du même genre, apanage, jusqu’ici, d’auteurs et d’éditeurs d’ailleurs. Le créneau d’une exigence pointue. Papier glacé, gros travail sur l’illustration et la photo, impression soignée notamment. Hugo Bebe, photographe bien connu, a parcouru tout le pays Bamiléké, traquant çà et là les chefs, et se soumettant à leurs désirs et caprices. Plaît-il ? L’objectif dont Haman Mana et Mireille Bisseck avaient besoin pour poser leurs jolis et justes mots de journalistes impénitents, d’esthètes entêtés de cette écriture qui aime tant à raconter. Le premier, directeur de publication du quotidien Le Jour, vient en effet de s’ouvrir à une autre aventure, celle de l’édition. Un éclectisme qu’il a en partage avec la deuxième. L’instructive introduction du professeur Emmanuel Ghomsi, avec force détails historiques, géographiques et sociologiques, plante brièvement et fort à propos le décor.
Eminent et idoine, l’objectif de l’éditeur est clairement identifié qui reconnaît que « la méconnaissance des Bamiléké, dont la singularité des mœurs et des traditions transparaît, ne contribue pas au Cameroun, qui est un véritable peuple de peuples, à la promotion et au renforcement du sentiment national. Il en est certainement ainsi de bien d’autres communautés au Cameroun. Aussi, est-il nécessaire et utile, à travers des ouvrages exigeants dans la qualité des contenus mais faciles d’accès en terme de lecture, de rendre compte de façon synthétique, et autant que faire se peut, des mœurs, des traditions et de l’histoire des populations de notre pays ». D’autres bienfaits se cachent dans cette merveille de 236 pages qui se contemple d’abord et beaucoup pour se lire ensuite et aisément. Une idée cadeau pour toutes les occasions.
Haman Mana et Mireille Bisseck Eyouck
Rois et Royaumes Bamiléké
Les éditions du Schabel
Yaoundé, 2010
236 pages
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*Disponible dans toutes les librairies du réseau Messapresse
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