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LE ROYAUME DE BAHAM [La thèse du génocide Bamiléké est elle fantaisiste ?]

Le Royaume du Peuple Baham

GUA GUEFFA TA'A TOMDJAP

Sa Majesté POUOKAM II Max, Roi des BAHAM

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La thèse du génocide Bamiléké est elle fantaisiste ?


Par RoyaumeBAHAM.com

28 février 2010



« La thèse du génocide Bamiléké est-elle fantaisiste ?»
OUI : comme l'affirme Bouopda Pierre Kame dans l'interview accordée à Bonaberi.com (04-02-2009 / Yann Y.)
NON : comme défend Noumbissie M’Tchouaké dans « Eclairage de l'histoire nationale camerounaise »

RoyaumeBAHAM.com met à votre disposition d'une part la thèse que défend Bouopda Pierre Kame à travers son livre paru aux Editions L'Harmattan en 2008 (« De La Rébellion Dans Le Bamiléké ») et son interview accordée à Bonaberi.com (04-02-2009 / Yann Y.) et d'autre part une position diamétralement opposée à la thèse de Bouopda Pierre Kame et developpée par Noumbissie M’Tchouaké - Secrétaire Général de la Société des Amis de l’Histoire du Cameroun (SAHDC)
« La thèse du génocide Bamiléké est-elle un mythe ou une réalité ?». Qui de Bouopda Pierre Kame ou de Noumbissie M’Tchouaké est révisionniste ?

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De la rébellion dans le bamiléke

Paru aux Editions L'Harmattan en 2008, le livre de Bouopda Pierre Kamé, « De La Rébellion Dans Le Bamiléké », va certainement défrayer la chronique dans les milieux intellectuels Camerounais. Allant à l'encontre des idées communément admises sur la période des troubles post et anté-indépendance, « De La rébellion dans le Bamiléké » retrace les contours de la révolte qui s'est déclenchée dans l'ouest du Cameroun en 1957 en réfutant la thèse de la lutte nationaliste. L'ouvrage dresse par ailleurs un bilan de la pacification militaire française qui a suivi, bien en deçà des 400 à 500 000 morts dont il a souvent été fait état. Bonaberi.com est allé à la rencontre du Pr Bouopda Pierre Kamé.

Bonjour Pr. BOUOPDA PIERRE KAME. Vous êtes l’auteur de l’ouvrage intitulé « De la rébellion dans le Bamiléké », paru au mois de février 2008 chez L’HARMATTAN. Ce livre aborde les questions particulièrement sensibles de la rébellion en pays Bamiléké, entre 1957 et 1961, et de la pacification militaire engagée par l’armée française à cette occasion.
Tout d’abord, qu’est ce qui vous a motivé à écrire un tel ouvrage, et comment a-t-il été accueilli par le lectorat du Cameroun ?

Bonjour Monsieur YANGE, et merci pour cette interview qui me donne l’occasion de m’exprimer sur ces évènements douloureux de notre histoire récente, à travers l’évocation de mon livre. La première motivation qui m’anime toujours lorsque j’entreprends un travail de recherche sur l’histoire de notre pays, c’est la volonté d’éclairer nos jeunes compatriotes pour qu’ils puissent en tirer parti pour éviter à l’avenir les traumatismes qui ont malheureusement accompagné toutes les transitions politiques importantes au Cameroun depuis plus d’un siècle. La deuxième motivation est plus personnelle. Les troubles graves qu’il y a eu dans la région du Bamiléké, à partir de la deuxième moitié des années 50, ont profondément affecté ma famille. J’ai inscrit en épigraphe de mon livre les propos suivants que j’ai empruntés à Victor Hugo : « Cette guerre, mon père l’a faite, et j’en puis parler ».

Victor Hugo s’exprime ainsi dans son livre « Quatre vingt-treize », qui est un roman dans lequel il revient, de façon épique, sur la terreur qu’il y a eu à l’occasion de l’insurrection des Vendéens contre la Convention, après le régicide du 21 mai 1793 en France. Son père Léopold Hugo, partisan de la révolution, a activement participé à la campagne de pacification de la Vendée, région d’origine de sa mère, Sophie Trébuchet, royaliste. Il se trouve que je suis le fils de Kamé Samuel, qui à la fin des années 50 au Cameroun sous administration française, était le Camerounais qui occupait la fonction de commandement la plus élevée sur tout le territoire.

Premier Camerounais diplômé de l’Institut des Études Politiques (IEP) de Paris en 1952, et premier Camerounais diplômé de l’École Nationale de la France d’Outre-mer (ENFOM) en 1957, mon feu père, qui était apparenté au Chef Baham, Max Kamwa, est en effet nommé Adjoint au Chef de la région du Bamiléké (Maurice Delauney) au mois de novembre 1957. Autrement dit, il est nommé à cette fonction de commandement territoriale lorsque que les troubles commencent dans cette région, précisément à la chefferie Baham. Il est donc en première ligne, d’une part, parce qu’il est l’Adjoint au Chef de région (l’équivalent aujourd’hui serait l’adjoint au gouverneur de province), dont le rétablissement et le maintien de l’ordre sont des prérogatives impératives ; et d’autre part, parce que les premiers troubles dans la région affectent sa chefferie natale.

C’est vous dire que je parle d’un sujet qui a profondément marqué mon feu père et ma famille. Le nom BOUOPDA que je porte est celui de l’un de mes oncles qui a été froidement assassiné par des « maquisards », qui visaient en fait mon père, quelques jours avant ma naissance. Le chef Baham, Pierre Ninyim Kamdem, qui a été impliqué dans le meurtre du député Noé Mopen le 30 août 1963, et qui a été de ce fait jugé au mois d’octobre 1963, condamné à mort, et fusillé le 3 janvier 1964 à Bafoussam, a grandi sous la protection de mon feu père. Je peux multiplier ainsi à souhait, les faits qui témoignent de notre implication familiale dans ces évènements douloureux. J’ai donc la faiblesse de penser que nous connaissons le sujet dans la famille. Mes recherches effectuées au Cameroun et en France m’ont également conforté dans l’idée que nous connaissons bien ce sujet. Cela a achevé de me convaincre de la nécessité de publier ce livre à des fins pédagogiques.

S’agissant de l’accueil de ce livre par le lectorat camerounais, je confesse que j’ai été copieusement insulté dans mon Mail box par des compatriotes qui n’ont pas pris la peine de lire mon livre. Cette agressivité, qui m’est familière en définitive, s’inscrit en vérité dans des combats politiques et idéologiques que je connais bien. Il y a en effet parmi nous, de nombreuses personnes qui instrumentalisent ces évènements dramatiques à des fins politiques. Ce sont des militants engagés dans des causes politiques et sociales multiples. L’histoire ne les intéresse que dans la mesure où elle sert les causes qu’ils défendent. Je n’ambitionne pas, avec mon livre, d’éclairer cette catégorie de compatriotes. Mon lectorat cible c’est nos jeunes compatriotes qui cherchent avant tout à s’instruire. Et de ce point de vue, je suis plutôt comblé par les témoignages de sympathie que je reçois régulièrement de la part de jeunes Camerounais ayant pris la peine de lire mon livre. Dans l’ensemble, ils ont le sentiment, après la lecture du livre, d’avoir été longtemps floués et manipulés par des activistes, camerounais et étrangers, qui inondent Internet avec des tracts politiques identifiés, à tort, comme des documents de valeur historique.

La première information majeure que l’on tire de votre ouvrage est que la rébellion qui a éclaté dans l’Ouest Cameroun n’avait aucun fondement nationaliste et indépendantiste, mais était plutôt l’œuvre de jeunes sans foi ni loi. Vous parlez précisément de « jeunes peu scolarisés, peu politisés, désœuvrés, désargentés », traînant dans les multiples marchés de la région, et qui n’avaient « aucune identité politique » et « aucun lien organique avec l’UPC malgré les tentatives de récupérations maladroites de certains dirigeants UPCistes ».

Qu’est ce qui explique selon vous le fait que dans l’imaginaire collectif camerounais, on ait plus ou moins toujours vu en cette rébellion des velléités indépendantistes et nationalistes ?

Dans de nombreuses publications qui traitent de l’histoire politique récente de notre pays, la relation de ces évènements douloureux est délibérément travestie à des fins politiques. Très souvent, les auteurs de ces écrits cherchent désespérément, et opportunément, à entretenir l’illusion d’une « guerre de libération nationale » dans le territoire camerounais sous administration française à la fin des années 50. En réalité, l’Union des Population du Cameroun (UPC) a très tôt renoncé à la lutte armée pour conquérir la réunification et l’indépendance des territoires camerounais. Je vous livre ces propos de Ruben Um Nyobé au 2e Congrès de l’UPC le 29 septembre 1952 à Eséka :

« En ce qui concerne l’argument selon lequel nous devons avoir des armes pour revendiquer notre liberté, nous répondons que cela est dépassé. La lutte armée a été menée une fois pour toutes par les Camerounais qui ont largement contribué à la défaite du fascisme allemand. Les libertés fondamentales dont nous revendiquons l’application et l’indépendance vers laquelle nous devons marcher résolument ne sont plus des choses à conquérir par la lutte armée. C’est justement pour prévenir une telle éventualité que la Charte de l’Atlantique et la Charte des Nations unies ont préconisé le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. »

Voilà résumée la position officielle de l’UPC au sujet de la lutte armée dans les années 50. Cette position inspirera les plaidoyers diplomatiques de Ruben Um Nyobé devant la 4e Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies au mois de décembre des années 1952, 1953 et 1954. Mais il est vrai qu’après l’interdiction de l’UPC au mois de juillet 1955 par l’administration coloniale française, le débat de la lutte armée a été réactualisé au sein du Comité directeur du parti, dans un contexte où Um Nyobé était en clandestinité au Cameroun sous administration française, alors que Félix Moumié, Ernest Ouandié et Abel Kingué étaient à Kumba, en zone d’administration britannique. Ce débat était encore en cours, surtout à Kumba, lorsque la France a obtenu de la Grande Bretagne, au début du mois de juin 1957, l’expulsion de tous les responsables de l’UPC installés à Kumba. La question de la lutte armée est ainsi restée ouverte après le mois de juin 1957.

Lorsque les violences meurtrières commencent quelques mois plus tard à Baham, ce n’est donc pas le fait d’une organisation militaire structurée et pilotée par le Comité directeur de l’UPC. C’est le fait d’une piétaille désœuvrée, à l’instruction scolaire rudimentaire, sans culture politique, ignorante de la plupart des termes précis de la problématique de la réunification et de l’indépendance du Cameroun, rejetée et combattue par la majorité de la population et des élites du Bamiléké, rejetée par majorité des autres Camerounais, sans lien avec les dirigeants upécistes restés au Cameroun, et exilés à l’extérieur du pays. D’ailleurs, à l’époque l’UPC ne revendique pas ces violences, et n’identifie pas non plus les auteurs de ces violences. Ruben Um Nyobé ne connaît pas à l’époque des crapules comme Momo Paul, Ndéléné Jérémie, ou Singap Martin, qui sont englués dans des querelles et des règlements de comptes d’une cruauté inhumaine dans leurs chefferies natales respectives. Mathias Djoumessi, chef de Foréké-Dschang, premier président du Comité directeur de l’UPC, président de l’Assemblée traditionnelle du peuple Bamiléké, traite explicitement ces gens de « bandes de voleurs ». Mais politiquement, ces violences, qui vont se répandre progressivement, notamment parce qu’il y a très peu de forces de l’ordre à l’époque dans le Bamiléké, intéressent naturellement les dirigeants upécistes, puisqu’elles fragilisent à l’époque l’autorité des gouvernements Mbida et Ahidjo qui combattent officiellement ce parti, et qui ont aussi un intérêt politique à accréditer l’idée que c’est l’UPC qui est derrière ces violences meurtrières dans le Bamiléké.

Autrement dit, les violences dans la région du Bamiléké se sont développées dans une conjoncture politique nationale de compétition pour l’indépendance, compétition entre des acteurs qui avaient tous, dans cette perspective de la levée imminente de la tutelle des Nations unies, intérêt à instrumentaliser ces évènements. C’est vraisemblablement pour ces raisons que dans notre mémoire collective, comme vous dites, les termes de « rébellion », indépendance, et nationalistes s’entremêlent confusément. Peut être aussi qu’inconsciemment, nous entretenons la « théorie » de la conquête de l’indépendance par la lutte armée, parce que c’est politiquement plus valorisant et réconfortant. Mais même dans ce cas de figure, il est difficile, sans politiquement décrédibiliser et criminaliser le combat des nationalistes camerounais, d’élever les Momo Paul et autres Ndéléné Jérémie au statut historique de combattants nationalistes. C’est pourtant malheureusement, ce que Félix Moumié, Ernest Ouandié et Abel Kingué, en exil, et loin du théâtre des opérations, ont désespérément essayé de faire, après le décès de Ruben Um Nyobé. Cet épisode criminel entache, de façon indélébile, l’œuvre politique de Félix Moumié.

Sur la question de la pacification de l’armée française conduite par le général Max Briand dès le mois de Janvier 1960, votre livre va certainement être consternant pour les tenants de la thèse du génocide Bamiléké puisque vous annoncez des chiffres bien en deçà des 300 000 à 400 000 morts entre 1962 et 1964 annoncés par Max Bardet (OK Cargo, Grasset, 1988) et encore plus loin des 800 000 à 1 million de morts entre 1955 et 1965 annoncés par Jacques Kago Lélé (Tribalisme et exclusions au Cameroun, Editions du Crac, 1995).

Vous parlez de 20 000 morts en pays Bamiléké, précisant que ces chiffres sont minorés puisque fournis par l’armée française.

Comment expliquez-vous les écarts relativement importants entre les chiffres précédemment cités et les vôtres ? Par ailleurs, au regard de vos nombreuses recherches sur cette période historique, ne pensez-vous pas que la pacification militaire de l’armée française, quel que soit le temps et l’espace sur lesquels elle s’est déployée, aurait pu causer le demi million de morts au sein des populations Bamilékés malgré la population globale de notre pays que vous estimez à moins de 3 500 000 âmes dans le Cameroun sous administration française ?

Les querelles de statistiques sur les victimes sont récurrentes dans tous les conflits meurtriers. Celui du Bamiléké n’y échappe donc pas. Mais pour éclairer malgré tout vos Internautes sur cette controverse, il faut, me semble-t-il du moins, d’une part, évoquer les réalités territoriales et démographiques du Bamiléké à la fin des années 50, et au début des années 60 ; et d’autre part, évoquer la réalité du conflit en lui même.

A la fin des années 50 et au début des années 60, la région du Bamiléké est un territoire de 5 450 km2 avec une population d’environ 438 000 personnes réparties dans une centaine de chefferies, selon la dénomination de l’administration coloniale française. C’est donc un territoire avec une forte densité de population (80 habitants/km2) et de chefferies à l’inverse des autres régions du Cameroun sous administration française où la densité est de 7 habitants au km2, et qui compte à l’époque 3 150 000 personnes en totalité. C’est en effet après la réunification d’octobre 1961 que la population de la République fédérale du Cameroun est évaluée à 4 000 000 d’habitants avec l’apport démographique du Cameroun méridional. S’agissant du conflit à proprement parler, il ne s’est pas agi d’une confrontation militaire frontale entre deux armées implantées sur le territoire réduit du Bamiléké.

D’abord, les statuts internationaux successifs du Cameroun (Territoires sous mandat de la Société des Nations (SDN), et Territoires sous tutelle des Nations Unies (ONU)) interdisaient à la France, comme à la Grande Bretagne, entre 1922 et 1960, de constituer des forces armées permanentes de 3e catégorie sur l’ensemble des territoires camerounais qu’elles administraient au nom de la communauté internationale. La France et la Grande Bretagne avaient simplement le droit, sur cette période, de former des policiers et des gendarmes pour les besoins du maintien de l’ordre public. Dans la région du Bamiléké en particulier, où les populations étaient bien encadrées dans des chefferies traditionnelles structurées, l’administration coloniale française a très souvent, par commodité, délégué aux chefs traditionnels une bonne partie de ses prérogatives en matière de police, et même dans une large mesure à l’époque, en matière d’administration de la justice. La France n’avait donc pas besoin, pour maintenir l’ordre public dans le Bamiléké, d’implanter dans la région le peu de forces de l’ordre qu’elle avait au Cameroun à cette date. Les chefs traditionnels s’acquittaient honorablement de leurs missions déléguées de maintien de l’ordre.

En fait, les forces armées françaises stationnées dans la sous-région étaient basées à Brazzaville, capitale de l’Afrique équatoriale française (AEF). C’est au premier semestre de l’année 1960, pour aider les dirigeants du nouvel État indépendant du Cameroun à rétablir l’ordre dans la région du Bamiléké et à conforter leur régime politique, qu’une partie des forces françaises établies à Brazzaville a été mobilisée pour le Cameroun. Durant cette période dite de « pacification », il faut avoir conscience du fait que les forces françaises n’étaient pas opposées à une armée structurée implantée dans des maquis, qui sont du reste des végétations qui n’existent pas en région Bamiléké. Les forces françaises en opération dans la région au premier semestre 1960 étaient opposées à des bandes de criminels infiltrés dans la population pour une bonne partie, et embusqués sur les hauts plateaux de l’Ouest, à l’époque difficiles d’accès avec des véhicules automobiles.

Pour isoler les « maquisards », les forces françaises se sont inspirées des méthodes utilisées précédemment en Sanaga Maritime. Elles ont regroupé de force les populations dans des campements aménagés le long des axes routiers qu’elles contrôlaient. Après quoi, ne disposant pas de troupes en nombre suffisant, elles ont privilégié les bombardements aériens pour « nettoyer » les zones difficiles d’accès, identifiées comme des refuges des « maquisards ». C’est ce mode opératoire, qui limite les pertes de soldats français, mais qui viole, par maints aspects, l’éthique militaire, et terrifie par ailleurs la population civile, qui a engendré des meurtres collatéraux importants au sein de la population du Bamiléké. Ces bombardements aériens massifs et aveugles ont commencé à la fin du mois de mars 1960. A la fin du mois de juillet 1960 cette campagne militaire était terminée.

Quand je donne le chiffre de 20 000 morts, il s’agit du bilan officiel de cette campagne militaire. Bien entendu c’est un chiffre sous évalué comme tous les bilans officiels. Mais même si on s’en tient à ce bilan officiel de 20 000 morts, cela confère à cette campagne militaire, un rang de choix dans les opérations militaires les plus meurtrières en Afrique noire au début des années 1960. Quant à la thèse du génocide, elle est tout simplement fantaisiste. Nul besoin de rentrer dans une querelle stérile de chiffres. Pourquoi voulez-vous, que l’administration coloniale française, qui s’est employée des décennies durant, à nouer un partenariat d’administration étroit et solide avec les chefferies traditionnelles de la région du Bamiléké, comme avec les lamidats du Nord Cameroun, ou le sultanat Bamoun, entreprenne subitement, à partir de l’année 1957, d’exterminer ces chefferies et leurs populations ? Ce qui fonde en effet le crime de génocide, c’est l’intention d’exterminer tout ou partie d’un peuple. Dans le cas que vous évoquez, je n’identifie, nulle part historiquement, une volonté d’extermination partielle ou totale du peuple bamiléké de la part des autorités françaises en 1960, et encore moins de la part des autorités politiques camerounaises de l’époque ou d’aujourd’hui.

N’y a-t-il pas déjà un problème dans votre ouvrage lorsque vous situez la période de « pacification » française dans l’Ouest Cameroun entre le mois de Janvier 1960 et le début de l’année 1962 ?

Cette « pacification » militarisée n’a-t-elle pas duré plus longtemps, et ne s’est-elle pas élargie à d’autres régions où l’on pouvait retrouver des populations de l’Ouest Cameroun dont certaines ont migré vers d’autres villes à cause de la rébellion sévissant dans la région ?

Dans mon livre je traite spécifiquement et délibérément de la « rébellion » en pays bamiléké. Et de ce point de vue, la pacification du Bamiléké effectuée par les forces militaires françaises en opération au Cameroun dans une structure opérationnelle de commandos dénommée Groupement Tactique Nord (GTN), a duré moins d’un an.

Le GTN est mis en place au premier trimestre de l’année 1960 par le général Max Briand, après sa nomination comme Chef de la Mission militaire française au Cameroun au début du mois de janvier 1960. Le GTN est dissous à la fin de l’année 1960. Mais le général Max Briand reste au Cameroun, à la demande du gouvernement camerounais, une bonne partie de l’année 1961 avec l’essentiel de ses troupes. Le gouvernement camerounais met à profit la présence de cette Mission militaire française sur son territoire pour accélérer l’instruction des officiers subalternes et des sous-officiers de l’armée et la gendarmerie camerounaises créées respectivement aux mois de novembre 1959 et avril 1960. Le général Max Briand quitte le Cameroun au mois de février 1962. Il est remplacé par le général Aufeuvre à la tête de la Mission militaire française au Cameroun. A cette date, il n’y a plus de troubles importants de l’ordre public dans le Bamiléké, et la jeune armée camerounaise assure déjà valablement le maintien de l’ordre public. Quant à elle, la Mission militaire française au Cameroun s’achève officiellement le 31 décembre 1964. Mais les dirigeants camerounais de l’époque ont délibérément entretenu pendant de nombreuses années après l’idée de la précarité de la paix dans le Bamiléké pour produire une impressionnante législation répressive des libertés qui leur a permis de conforter leur pouvoir politique.

En vérité, dès la fin de l’année 1961, toutes les bandes criminelles du Bamiléké sont déjà démantelées. Mais le retour d’Ernest Ouandié dans le Bamiléké en cette année 1961, avec l’objectif proclamé de mettre sur pied une organisation paramilitaire pour renverser de force le régime politique camerounais, offre à ses dirigeants l’alibi pour maintenir dans le Bamiléké un dispositif militaire important. Mais Ernest Ouandié ne parviendra jamais à inquiéter le moindre Commissariat de police, ou la plus petite Brigade de gendarmerie du Bamiléké.

Comment expliquez-vous la réaction particulièrement disproportionnée de l’armée française dans la région de l’Ouest du Cameroun alors que vous soutenez qu’il s’agissait d’une rébellion menée par des jeunes voyous désœuvrés, sans leader et non politisés. Pourquoi utiliser des armes lourdes et des bombardements par l’aviation là où l’on aurait pu envoyer des forces de l’ordre sommairement équipées pour intercepter des bandes de jeunes voyous ?

D’ailleurs, qu’est ce qui justifie le terme de « rébellion » s’il s’agissait de jeunes délinquants qui s’amusaient à tuer, à piller et à voler ?

J’ai déjà en partie répondu à cette question. Mais je reviens volontiers sur cet aspect de façon un peu plus explicite. Les forces militaires françaises en opération au Cameroun combattaient des « maquisards » infiltrés dans la population, et embusqués sur les hauts plateaux de l’Ouest, à l’époque très difficiles d’accès avec des engins motorisés. Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit le contexte diplomatique de l’époque. La « militarisation » du Cameroun par la France après la levée de la tutelle des Nations Unies le 1er janvier 1960 a été particulièrement mal accueillie et dénoncée par la communauté internationale. Pour faire baisser la pression diplomatique internationale, la France se devait d’écourter la présence de ses troupes militaires au Cameroun.

Toutes ces raisons ont déterminé la France à retenir un mode opératoire sécurisant pour ses troupes, mais expéditif et particulièrement destructeur pour les « maquisards », mais également, et de façon collatérale, pour les populations civiles obligées en définitive de redouter aussi bien la cruauté des « maquisards », que les bombardements intensifs des avions du GTN. Autrement dit, ce n’est pas l’importance militaire des adversaires qui a justifié l’utilisation de moyens impressionnants. C’est la configuration du théâtre des opérations et la volonté d’en finir très rapidement pour ne plus être exposé à la critique de la communauté internationale.

Si on comprend à la lecture de votre ouvrage que vous n’attribuez aucun rôle politique aux dirigeants de l’UPC dans le démarrage de la rébellion en pays Bamiléké, quelle responsabilité ont-ils eu dans l’exacerbation des dites violences et comment auraient-ils pu éviter la réponse militaire française qui a fait de nombreux dommages collatéraux au sein de la population dite civile ?

Pourquoi les leaders UPCistes n’ont-ils pas condamné ces violences qui faisaient surtout de nombreuses victimes Camerounaises et particulièrement Bamilékés ?

A ma connaissance, Ruben Um Nyobé n’a pas adhéré à l’option de la lutte armée jusqu’à son décès au mois de septembre 1958. C’est Félix Moumié et les autres membres du Comité directeur de l’UPC en exil, qui ont pris le risque d’une criminalisation du combat politique du parti. Félix Moumié a clairement soutenu par écrit des crapules comme Momo Paul et Singap Martin, qui ont assassiné des nouveaux nés, et égorgé des prêtres en proclamant leur cruauté et en revendiquant fièrement leurs crimes. Cette attitude incompréhensible a amené des personnalités de la société civile de l’époque comme Iwiyé Kala-Lobé à renier publiquement Félix Moumié en ces termes dans un éditorial intitulé « A l’attention de Félix Moumié et de ses amis de Kumba : Les irrécupérables », paru dans l’Opinion du Cameroun :

« […] C’est bon ! Nous n’aurons même pas pu vous « récupérer » pour parler de notre pays avec vous, de ce pays que vous avez délibérément ignoré en le plongeant dans l’anarchie… Bon voyage, ex-Camerounais !.... Mais n’oubliez pas le mot du philosophe : « Partir, c’est mourir un peu ». Vous êtes morts pour le Cameroun que vous auriez dû servir loyalement. Nous ne vous regrettons pas, nous qui sommes à pied d’œuvre. Nous dénonçons seulement vos actes criminels et la lâcheté de votre retraite. Au revoir… Nous n’avons plus rien à nous dire…[…] »

Ne craignez vous pas de susciter le tollé général et d’être traité de révisionniste quand vous parlez, au sujet de la rébellion, de « Bamiléké détruisant le Bamiléké » ou de « jacquerie villageoise » et que vous annoncez des chiffres de 20 000 morts (de surcroît de source française) que certains pourraient juger ridicules ?

Le révisionnisme, dans son acception large, est une attitude qui vise à nier une vérité historique. Ma démarche consiste précisément à contribuer au rétablissement d’une vérité historique.

Je dis en effet que la campagne militaire des forces françaises commence dans le Bamiléké au 1er semestre de l’année 1960, alors que les violences et les incendies volontaires démarrent dans la région au mois de novembre 1957. Entre 1957 et 1960, ce sont en effet des Bamiléké qui détruisent le Bamiléké. C’est Simo Pierre qui a froidement et gratuitement assassiné le jeune député Samuel Wanko dans un guet-apens dans la nuit du 13 au 14 décembre 1957 à proximité de Batoufam. C’est le premier meurtre d’un élu dans notre histoire. Ce sont de jeunes Bamiléké ignorants qui ont délibérément incendié des trésors de notre patrimoine architectural traditionnel et des collections d’œuvres d’art bamiléké, riches de sculptures centenaires d’une valeur artistique inestimable. Si vous voyez les photos de ces scultures vous vous demanderez nécessairement comment a-t-on pu laisser une piétaille de cette nature détruire ce patrioine. Cette attitude suicidaire est du reste incomprise à l’époque à Yaoundé et ailleurs au Cameroun, puisqu’il n’y a aucun message politique transmis lors de ces violences, et qu’il n’y a pas non plus de leader ou de porte-parole identifiable de ces bandes éparses. Non, les vrais révisionnistes, ce sont ceux qui veulent nier que l’essentiel des crimes commis dans le Bamiléké à cette période était le fait d’une piétaille.

Je pourrais de façon très précise vous lister les crimes stériles de cette piétaille ignorante qui a détruit, ensanglanté et endeuillé l’une des régions les plus importantes de notre pays. Vous devez comprendre que ces gens étaient rejetés par la majorité de l’élite et la population bamiléké. Je ne résiste pas à la tentation de livrer à la réflexion de vos Internautes cette déclaration du Kumsze, à l’époque, l’Assemblée traditionnelle du peuple bamiléké, présidée par Mathias Djoumessi, Chef Foréké-Dschang, et premier président du Comité directeur de l’UPC, nommé au 1er congrès du parti tenu au mois d’avril 1950 à Dschang :

« L’Assemblée générale ordinaire de Kumsze, Assemblée traditionnelle du peuple bamiléké, tenue à Dschang, le 10 septembre 1959 à son siège social, en vue de préparer son douzième congrès, a adopté à l’unanimité la résolution suivante. Après avoir pris connaissance de la situation confuse que traverse actuellement le département bamiléké concernant les actes terroristes, constate que la plus grande partie des attentats dans cette région ne sont pas des luttes politiques. On sait qu’ici les crimes sont perpétrés au nom de l’UPC, soit par des bandes de voleurs constitués, soit par des bandes de vengeurs de toute sorte, tout cela au nom du nationalisme.

L’Assemblée générale, condamne avec véhémence ces crimes perpétrés au nom de l’indépendance, approuve profondément le communiqué du Comité directeur de Kumsze du 1er août 1959, publié au journal « Le Bamiléké » n° 54 et demande qu’une large diffusion en soit faite afin de dissiper la peur que vivent les paysans terrorisés, décide de tout faire pour dépister ces malfaiteurs afin que revienne au Cameroun un climat de confiance et de paix pour la préparation des manifestations marquant les fêtes de l’indépendance le 1er janvier 1960, souhaite le ralliement des nationalistes bamiléké de bonne foi et désireux de bénéficier des mêmes avantages que leurs frères bassa, demande que cessent les incendies des concessions des individus suspectés d’être des terroristes, auxquels se livrent les groupes d’autodéfense en mesures de représailles. D’autres mesures pourront être envisagées. »

Pensez-vous que la rébellion en pays Bamiléké et les massacres perpétrés par l’armée française ont un impact sur l’émotion perceptible dans les débats d’actualité relatifs à la question Bamiléké, l’équilibre régional et la protection des minorités autochtones dans notre pays ?

Bien évidemment. Il faut savoir que ces évènements dramatiques ont profondément traumatisé les populations de l’Ouest.

Ce qui est resté dans leur mémoire collective, transmis notamment par les récits au sein des familles, c’est qu’à une période, pour des raisons politiques qu’elles cernent vaguement, une pluie de bombes leur est tombée sur la tête avec des conséquences dramatiques pour leurs champs, leurs bétails et leurs familles. Par la suite, elles ne pouvaient plus se déplacer librement en raison d’un encadrement administratif strict et contraignant, qui prenait souvent des allures de brimades collectives. Un peu plus tard, après le procès Ouandié-Ndongmo aux mois de décembre 1970 et janvier 1971, elles ont été taxées publiquement de « maquisards ».

Tous ces évènements récents, illustrent à tort, chez de nombreux Bamiléké, l’idée qu’il y a une conspiration politique officielle contre notre communauté depuis cette « rébellion ». Ce sentiment, qui est enraciné chez certains Bamiléké, biaise en effet dans notre pays, tous les débats publics récurrents sur les sujets que vous évoquez.

Pr. BOUOPDA PIERRE KAME, Maître de Conférences à l’Université de Valenciennes, Auteur du livre intitulé : De la rébellion dans le Bamiléké, L’HARMATTAN, Février 2008

 

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Eclairage de l'histoire nationale camerounaise
http://juliette.abandokwe.over-blog.com/article-31395404.html

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12 mai 2009
Noumbissie M’Tchouaké
Secrétaire Général de la Société des Amis de l’Histoire du Cameroun (SAHDC)

La rébellion dans le pays Bamiléké.
Une expression Nationaliste et politique

Le problème bamiléké, avant d’être posé à l’Etat camerounais, et à la nation en construction, est d’abord un problème entre Bamiléké. Les pages de l’histoire du Cameroun sont pleines des épisodes écrits par ces hommes qui refusèrent délibérément la confrontation des vues. Dès le lendemain de la colonisation allemande, la question de la place des Bamiléké est mise en évidence.

Ceux qui hier, par calcul politique certainement, s’opposaient avec véhémence à tout traitement politique de la crise dans l’Ouest-Cameroun, trouvent aujourd’hui des défenseurs terrés derrière l‘histoire. Le livre de Bouopda Pierre Kamé s’inscrit dans cette logique. Les époques changent, mais les mentalités de girouette s’adaptent toujours aussi bien aux vents.

Ecrire sur l’histoire et faire œuvre d’historien sont des actes dissemblables. Tel est le premier constat que l’on peut faire à la lecture de « De la rébellion dans le bamiléké. » Le livre de Bouopda Pierre Kamé aurait pu, face à l’indifférence générale des chercheurs en histoire, trouver une belle place dans les rayons à oripeaux des salons huppés de Yaoundé. Mais, depuis quelques semaines, des esprits malins ont débusqué l’objet réel de ce travail. (Voir l’exploitation sans complexe des thèmes du livre par le journaliste Edouard Kingue et surtout Kobila Mouangue).

D’articles de presse, en débats, l’auteur communique. Il pose des balises sur des voies pour imposer des appréciations qu’il n’ose pas qualifier de « convictions politiques». Il attire les âmes sensibles sur ce qu’il nomme des « recherches sur l’histoire de notre pays »

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L’objet du livre

Dès les premières lignes du travail de Bouopda Pierre Kamé, l‘on est saisi par un malaise. Le titre de l‘ouvrage nous invite à l‘exploration des évènements qui marquèrent l‘histoire du Cameroun et particulièrement le pays bamiléké. Et pourtant, très vite l‘on comprend que l‘auteur se libère des contraintes de la recherche historique. Au fil des pages , il élude les questions essentielles, impose ses impressions et son opinion sur les événements. Il apparaît de facto au lecteur que les écrits sont des projectiles. L’auteur endosse sans détours le rôle de nettoyeur. Ces caractéristiques nous amènent à nous interroger sur la classification à donner à cette nouvelle production de Bouopda Pierre Kamé. N’essaye t-il pas de réhabiliter la mémoire de ces hommes politiques autochtones qui furent des auxiliaires zélés auprès des forces françaises dans le pays bamiléké?

L’auteur, dans un entretien en ligne, relève deux motivations à la base de son travail. Si le besoin « d’éclairer nos jeunes compatriotes » est louable dans son intention globale, la motivation personnelle est doublement révélatrice. Elle nous interpelle sur le plan scientifique et éthique. Car, quand l’on enfourche les armes de l’historien, il est certes difficile de faire abstraction de son sentiment personnel, mais il est nécessaire de pondérer par une estimation rigoureuse des témoignages…le fondement sur lequel repose l’appréciation historique.

Nous découvrons ainsi, comme par hasard, que l’auteur est le fils de Samuel Kamé. Autour d’une citation : « Cette guerre, mon père l’a faite, et j’en puis parler » en épigraphe, l’auteur fait appel aux écrits romancés de Victor Hugo. Il établit ainsi un parallèle personnel entre son livre, qu’il a pourtant tôt fait de présenter comme une recherche historique, et une interprétation symbolique de l’histoire française. Victor Hugo, dans « quatre vingt treize », revendique la qualité de romancier et ne vise par à établir la vérité historique sur les évènements postrévolutionnaires en France. Car il apparaît, comme une évidence, que Monsieur Kamé fils souhaite réécrire l’histoire de Kamé père. Cette ambition, qui prendrait les traits d’une biographie hagiographique, ne devrait pas amener à occulter les pans essentiels de l’histoire du pays bamiléké et surtout du Cameroun postcolonial.

Qui est Samuel Kamé ?

Toutefois, dans le but d’éclairer nos propos, il ne serait pas inutile de nous attarder quelque peu sur le personnage de Samuel Kamé. Diplômé des universités françaises au début des années 1950, ce qui n’est pas une chose courante dans le Cameroun colonial, Samuel Kamé fait très vite le choix du conformisme politique. Cette fine intelligence devient une perle auprès du premier ministre puis du président Ahidjo. Il ne fut jamais ministre.

Homme de l’ombre et des basses manoeuvres, il est dès les premières heures de l’UC, l’idéologue craint et apprécié. Il est l’un des hommes qui orientèrent dès 1961 le régime Ahidjo vers la pente de la dictature monolithique. Membre du bureau politique de l’UC et plus tard de l’UNC, il est partisan de la manière forte. Il prône les méthodes d’embrigadement et de propagande proches des pratiques du national socialisme. Avant le parti unique, il s’illustre par cette tendance à la concentration du pouvoir. Pour Jean François Bayart, dans « L’Etat au Cameroun », Samuel Kamé cherche à créer au sein des autres partis « le désordre et la peur ». Caution sudiste du régime Ahidjo, durant les troubles, il fait ses armes comme sous préfet dans le pays bamiléké auprès de Enoch Kwayeb (préfet de Bafang) et Gabriel Mouaffo (chef de district de Bandjoun). En tant que responsables administratifs bamiléké, membres de l’élite autochtone, ils ont la charge d’étouffer le discours politique de la contestation et de la rébellion upéciste.

Nous avons investi l’espace personnel, d’une part parce que l’auteur nous y a invité, et surtout parce qu’il a certainement influencé la problématique du travail de Bouopda Pierre Kamé.

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La thèse du régime Ahidjo

En affirmant que la rébellion dans le pays bamiléké n’est pas l’émanation d’une revendication nationaliste et politique, l’auteur heurte peut-être quelques sensibilités. Pourtant, il ne fait ni une révélation fracassante, ni oeuvre d’historien. Tout simplement, il porte un message politique. Il soutient sans gloire et sans vergogne la thèse des vainqueurs. Figurez-vous, que durant près de vingt cinq ans au pouvoir, Ahmadou Ahidjo s’est acharné à gommer des pages de l’histoire du Cameroun. Ceux qui n‘avaient pas rejoint son camps portaient le sceau de l‘infamie.

Le premier janvier 1960, dans le discours proclamant l’indépendance du Cameroun, le premier ministre Ahmadou Ahidjo affirmait:
« Ceux qui se sont séparés de nous et ont tenté de conquérir seuls les objectifs qui revenaient à tout un peuple n’ont fait qu’entraver la marche de leurs frères. »

Aujourd’hui surfant sur cette thèse, qui posait déjà un regard de myope sur les événements du Cameroun, Bouopda Pierre Kame fait mieux. Dans une analyse incomplète et partisane, il sermonne, et répète des mots de la propagande antinationaliste des années 1960. A quelques choses près, il considère que: les nationalistes étaient au pouvoir, et les bandits malfaiteurs dans le maquis et les villages bamiléké. Son livre semble se résumer à cette phrase. En nous limitant à ces remarques liminaires, nous posons un regard lointain sur cet essai. Car, il nous paraît nécessaire de relever dans le texte les principales hypothèses qui construisent les contrevérités de cette histoire de la rébellion dans le pays bamiléké.

Les genèses du conflit dans le pays bamiléké.

Affirmer, que durant dix années, « une piétaille très jeune d’âge, désoeuvrée, déscolarisée, désargentée et vivant dans un environnement social criminogène… », sans organisation, sans idéologie et sans objectifs, a tenu tête à une puissante armée européenne, n’est pas seulement du négationnisme mais un non sens historique.

Un des premiers démentis à opposer à cette thèse est le nécessaire questionnement sur la genèse de la rébellion. L’année 1957, comme semble l’affirmer Bouopda Pierre Kamé, peut-elle raisonnablement s’imposer comme année charnière dans la compréhension des troubles dans le pays bamiléké? Le meurtre du député Wanko donne une autre image à la lutte des populations de l’Ouest- Cameroun. Reconnaissant que le monde colonial fut celui de l’esquive et des dissimulations, il nous semble objectif de remonter au lendemain de la seconde Guerre européenne pour détecter les éléments de la germination de la colère qui se traduisirent ce décembre 1957 par la mort d‘un représentant politique.

Il est important de souligner que la région bamiléké est l’une des régions qui n’ont pas vu les bénéfices de l’effort de guerre demandé par la puissance colonisatrice. Les retombées de la conférence de Brazzaville qui ont pu apparaître dans les allègements des pratiques coloniales par ailleurs, ne furent pas sensibles dans le pays bamiléké. L’on pouvait constater dans certains secteurs le durcissement des règles. La situation de réservoir de main d’oeuvre qu’elle occupait depuis la période allemande fut accentuée.

Malgré les promesses faites aux leaders de la JEUCAFRA, il n’était pas question de démocratiser la culture du café. Les Bamiléké n’acceptèrent pas cette position de « bêtes de somme » dans laquelle les colons planteurs de café et surtout l’administration coloniale souhaitaient les maintenir. La permanence des rafles au profit des travaux forcés accentuèrent la déstabilisation des chefferies par la fuite des hommes vers les centres urbains. Les conséquences sociales et économiques des transferts massifs des populations vers l’intérieur et vers les chantiers de construction de voies de communications vinrent accroître le sentiment d’opprimé des jeunes bamiléké. Ceux-ci vivaient déjà très mal les déstructurations des institutions traditionnelles, surtout le renforcement du pouvoir de certains chefs imposés par l‘administration coloniale.

Dans l’ensemble, la domination coloniale eut de nombreux effets néfastes sur le fonctionnement des institutions autochtones.

La spécificité dans le cas de la région bamiléké, contrairement à la région du centre et du sud, fut cette volonté manifeste des coloniaux à empêcher l’émergence d’une classe de planteurs.

Cette volonté d’écarter la majorité des bamiléké de ce qui paraissait être la source de richesse va élargir les espaces et les thèmes de mécontentement à l’égard de l’administration coloniale et de leurs mandants. La situation de conflits rentrés entretient le terreau des luttes syndicales et surtout prépare aux thèmes nationalistes de l’UPC.

En 1947, le Syndicat des Petits planteurs (SPP), affilié à la USCC-CGT, qui porte la parole des autochtones que les lois coloniales tiennent à distance des profits de la caféiculture, profite de la présence à Dschang du Haut Commissaire René Hofherr pour porter sur la voie publique les revendications des populations « indigènes ». Cette audace sera violemment réprimée. Les forces de police qui accompagnent le Haut-Commissaire n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. L’on dénombre plusieurs victimes. Jean Mbouende, le leader et Cofondateur du SPP, blessé aura la vie sauve grâce à l’intervention de la CGT française.

Cette utilisation disproportionnée de la violence vient rappeler aux plus anciens les pratiques de la colonisation allemande. Aux yeux des autres composantes de la société bamiléké, tout en banalisant la violence, elle confirme l‘inanité du dialogue politique. Cet épisode de l’histoire du Cameroun est souvent volontairement occulté au profit des massacres qui eurent lieu dans la ville de Douala en septembre 1945. Pourtant, à l’échelle du pays bamiléké, cette répression sanglante influença durablement l’engagement politique de nombreux bamiléké. Le Kumzse qui jusque là se tenait à l’écart des joutes purement politiques devint, dès 1948, une filiale de l’UPC. Jean Mbouende adhère à l’UPC et abandonne le syndicalisme agricole.

En mai et juillet 1955, la répression et les émeutes qui conduisirent à la dissolution de l’UPC et de ses organes annexes (UDEFEC, JDC) eurent pour théâtre les principaux villages des subdivisions de la région bamiléké. A Bafang, comme à Bafoussam les domiciles et bureaux des responsables de l’UPC furent saccagés et incendiés.

Ceci vient mettre un bémol aux analyses qui considèrent que la mort en septembre 1958 de Ruben Um Nyobé est à l’origine du glissement de la lutte armée de la forêt bassa aux montagnes bamiléké. Simultanément, les nationalistes de l’UPC furent contraints aux maquis et à la lutte armée. Il est à noter que depuis 1948, au sein de la direction de l’UPC, comme parmi les militants, la question de la violence est posée. Si jusqu’en 1955, les dirigeants s’attèlent à contenir les envies de découdre des militants victimes des exactions de l’administration coloniale (emprisonnements, rafles, brimades, interdiction de réunions etc…), c’est aussi parce que l’UPC n’est pas fait pour la lutte armée. Les raisons qui poussèrent les cadres du mouvement nationaliste dans la clandestinité furent sensiblement les mêmes.

Pourtant, les causes qui localement suscitèrent l’engouement populaires derrière l’UPC et l’engagement dans le maquis ne furent pas toujours semblables. De ce qui précède, il est clair que les raisons de la colère des populations bamiléké étaient bien lointaines. Celle des populations du pays bassa était entretenue par la présence dans le maquis du charismatique leader de l’UPC et surtout par l’échéance de cette élection de 1956 qui devait définitivement exclure l’UPC du jeu politique.

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Les leaders étaient parfaitement idéologisés

Une des hypothèses qui amènent Bouopda Pierre Kamé à considérer que la rébellion dans le bamiléké n’avait aucun relent nationaliste et politique portent sur la qualité des dirigeants dans le maquis. Quand il affirme:

« Certains chefs de ces bandes criminelles se réclament sans conviction, ni engagement, du nationalisme « kamerunais ».
Cette affirmation ne peut malheureusement pas être étayée par des faits et actes crédibles. Au nombre de travaux qui servent de référence à l’auteur, ne voir dans des hommes dans la clandestinité que des criminels, relèvent soit de l’erreur volontaire, soit de la manipulation. (Voir les derniers propos de Mouangue Kobila). Car pour toute preuve historique, il fait appel à des hommes qui de prime abord ne portaient pas l’UPC dans leur cœur pour certains, et pour d’autres, l’antinationaliste constituait un fond idéologique. Dans l’entretien en ligne, l’exemple de Mathias Djoumessi entre dans cette deuxième catégorie. Il était pourtant simple de se pencher sur les documents détenus par l’administration coloniale sur Martin Singap. Celui-ci est présenté comme le chef d’Etat Major de l’Armée de Libération Nationale du Kamerun (ALNK). Pour arranger sa vérité, Bouopda Pierre Kamé n’hésite pas à mentir. Car affirmer de manière péremptoire, que « Ruben Um Nyobé ne connaît pas à l’époque des crapules comme Momo Paul, Ndéléné Jérémie, ou Singap Martin, qui sont englués dans des querelles et des règlements de comptes d’une cruauté inhumaine dans leurs chefferies natales respectives. » relève d’une erreur volontaire. Dès 1958, Momo Paul (secteur Bafoussam) et Ndelenie (secteur de Mbouda) sont sous les ordres de Martin Singap. Ce dernier, si l’auteur avait quelques peu pris la peine de fouiller les documents de l’UPC, aurait constaté qu’il était un cadre du parti. En 1953, dans le nord Cameroun à Maroua, au côté du Dr Félix Moumié président de l’UPC, il organise la sous -section. En 1956, il participe à la création du Comité National d’Organisation (CNO Branche armée de l’UPC clandestine) auprès de Ruben Um Nyobé dans le maquis du pays bassa. Cette information se trouve dans les nombreuses biographies consacrées au Dr Mathieu Tagny, qui fut responsable de l’UPC dans le centre et le Sud, et qui soigna Um Nyobé durant la période du maquis bassa.

Des erreurs de la sorte remplissent les pages du livre de Bouopda Pierre Kamé. Pour donner à ses propos une caution scientifique, il meuble constamment ceux-ci de références bibliographiques. Il cite des travaux auxquels nous avons participé, qui défendent à force d’arguments la thèse contraire de son livre, sans toutefois préciser les éléments de ses emprunts.

Dans la construction de son histoire du Cameroun, la figure historique de Pierre Kamdem Ninyim semble ne pas correspondre au canon élaboré par l’auteur. De but en blanc, il affirme qu’il a trempé dans l’assassinat du député Noé Mopen. Le tribunal d’exception qui le juge dans la précipitation, le condamne et le fait fusiller en l’espace de trois mois entre octobre 1963 et janvier 1964, à abouti à cette conclusion. Si l’auteur s’était arrêté un instant sur le parcours de cet homme, il aurait pu comprendre toute la contenance politique des troubles dans le pays bamiléké.

Cette omission n’est pas dénuée d‘intentions malsaines. Car, Kamdem Ninyim, après avoir été emprisonné est destitué de son poste de chef Baham, pour avoir organisé une section de l’UPC dans sa chefferie, est devenu ministre de la santé dans le gouvernement Ahmadou Ahidjo à 23 ans. Durant tout son mandat ministériel, il n’a eu de cesse de condamner ce qu’il appelait « la bamilékisation » de la situation dans l’Ouest-Cameroun. Il voulait ainsi dénoncer l’attitude du gouvernement camerounais qui s’attelait à nier les ressorts nationalistes des hommes dans le maquis. Contrairement à Mathias Djoumessi, il souhaitait faire écho à toutes les revendications politiques contenues dans le message des maquisards. De même, il oeuvrait pour que ceux-ci s’inscrivent dans un débat national loin des polémiques évoquant « des jeunes bamiléké s’attaquant aux chefferies bamiléké austères »

Nous pourrions revenir sur le parcours de plusieurs figues historiques de l’Ouest-Cameroun pour démontrer que ceux qui combattaient n’étaient pas des bandits, mais des militants qui avaient pris faits et causes pour une réelle indépendance du Cameroun.

L’histoire peu bien être sélective, mais elle ne devrait pas être aveugle. Car, si Mao Tse Tsoung avait échoué dans sa marche vers le pouvoir, l’on se souviendrait seulement des exactions commises par ses troupes.

Au Cameroun, et particulièrement dans le pays bamiléké aujourd’hui, l’heure ne devrait pas être aux palabres stériles. Trois figures doivent s’imposer: le témoignage, l’enseignement et le travail de mémoire. Dans l’entretien de Bouopda Pierre Kamé, qui vient appuyer les propos de son livre, il tranche sans complexe sur la question du génocide.

Il est pour nous peu important de soulever cette thématique. Le concept de génocide est depuis une appellation contrôlée. Et pourtant, faire de la mort de milliers de Bamiléké une affaire de comptable est une chose insupportable. Pourquoi ne doit-on pas parler de génocide dans le pays bamiléké? La réponse est de l’historien Allemand Jurgen Zimmerer: « Le concept de génocide colonial est gênant: d’une part, il implique la reconnaissance d’un grand nombre de génocides, d’autre part, il remet sérieusement en question l’idée largement répandue selon laquelle l’européisation du monde fut synonyme de progrès ».

Noumbissie M’Tchouaké
Secrétaire Général de la Société des Amis de l’Histoire du Cameroun (SAHDC) et rédacteur En chef Histoire-du-Cameroun.Com






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