Par Thierry Amouhou (Camerpress.net)
30 janvier 2012
La semaine dernière, alors qu’il s’apprêtait à effectuer une conférence de presse pour disait-il, expliquer à l’opinion les tenants et les aboutissants de sa démission du gouvernement camerounais intervenue l’année dernière, le Professeur Maurice KAMTO s’est vu opposé une fin de non recevoir de la part de monsieur le Sous Préfet de l’arrondissement de Yaoundé 5, au motif pris de ce que pareil évènement pourrait être préjudiciable à l’ordre public.
Plutôt que de vouer aux gémonies ce haut commis de l’Etat, on ne devrait pas perdre de vue le fait qu’il appartient à un système qui voudrait que des personnes occupant des fonctions de cette nature, se livrent à de l’autocensure ;visiblement ce « chef de terre » s’est sûrement fait la réflexion suivante : « il ne faudra pas qu’en haut lieu on dise que c’est chez moi que cela a eu lieu ».
En réalité le professeur KAMTO n’avait nullement l’intention de troubler l’ordre public, loin s’en faut, il voulait simplement communiquer ;le plus cocasse dans cette affaire, c’est qu’en interdisant la conférence de presse, le Sous- Préfet, sans le vouloir a donné un coup de pouce décisif au Professeur, il a contribué à faire de cet évènement quelque chose de très retentissant ;la communication de Maurice KAMTO a plutôt de ce fait reçu un formidable « buzz »pour parler comme les professionnels, tous les psychologues sont unanimes pour dire que ce qui est interdit attise intérêt et curiosité.
Si l’on veut teinter l’analyse d’un brin de cynisme, on pourrait même dire qu’en fin stratège, c’est l’effet que le Professeur KAMTO recherchait ;il aurait pu accorder une interview aux journaux les plus lus, dans sa résidence ou de façon simultanée à plusieurs chaînes de télévisions et faire passer son message comme il l’a d’ailleurs fait au final ;mais en fin connaisseur du système, peut être a-t-il opté pour ce qu’un autre penseur avait baptisé « dédoublement avec fausse piste »,c’est-à -dire s’aventurer sur le terrain de la conférence de presse publique en sachant pertinemment qu’elle serait interdite, mais que cette interdiction en elle-même contribuerait à amplifier sa communication .
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il faut admettre que la démarche du Professeur KAMTO est à la fois pertinente, louable et bien à propos : dans le bord politique du président en fonction aucune personnalité ne semble émerger, idem pour l’opposition que plus grand monde ne prend au sérieux. Dans ce désert politique, Maurice KAMTO, universitaire de haut vol, vierge politiquement, ne trainant pas de casseroles (pour l’instant), porteur d’une vision (peut être) et jouissant d’une aura certaine tant au Cameroun qu’à l’international, apparait comme une alternative.
Cependant son «coming out » politique suscite bon nombre d’interrogations.
Tout ce que le Professeur KAMTO dénonce comme maux, tous les camerounais en étaient déjà au courant car le vivant au quotidien, même le Président de la République stigmatisaient déjà la corruption, l’immobilisme, le tribalisme, le népotisme…etc. Sachant que le système était à ce point gangréné, le néo politicien a quand même accepté de faire son entrée dans un tel gouvernement ; c’est vainement qu’il se défendra en disant qu’il n’était que ministre délégué, mais il aura du mal à ne pas être solidaire du bilan de cette équipe ; certains diront que c’était pour mieux appréhender le système de l’intérieur, mais en avait-il vraiment besoin ?en plus il y est resté sept années durant !
Il est de notoriété publique que le Professeur KAMTO voulait devenir juge à la Cour International de Justice de la Haye, c’était un rêve qu’il caressait depuis des lustres ; il se dit aussi que le gouvernement du Cameroun ne l’a pas soutenu dans ce sens (peut-être le lui avait-on promis), d’où son échec dans cette démarche. Alors, sa démission puis son entrée dans le circuit politique ne sont-elles pas la résultante de la frustration personnelle d’un Homme qui s’est senti floué?
En prenant la chose sous l’angle inverse, si Maurice KAMTO avait été soutenu par le gouvernement camerounais et était effectivement devenu juge à la Haye, aurait-il démissionné de la CIJ pour venir se frotter à l’univers rugueux de la politique (camerounaise) ?
Le Professeur KAMTO n’a-t-il pas abattu ses cartes trop tôt ?l’effet d’annonce a déjà fait son temps, les masques sont officiellement tombés, et revêtu de sa tenue de gladiateur il est dorénavant dans l’arène face des adversaires féroces de tous bords, dont beaucoup sont encore dans l’ombre et ne lui feront pas de cadeaux. Le Professeur est certes un grand universitaire, mais la politique a ses règles, c’est un monde où hypocrisie, mensonge, cynisme et cruauté se côtoient allègrement, le cas de Dominique STRAUSS KHAN esprit brillant comme lui et vieux briscard de la politique, devrait lui servir de lanterne. Maurice KAMTO saura-t-il s’acclimater rapidement ?
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