Par Alain Blaise Batongué (Le Quotidien Mutations)
01 décembre 2011
Le plus proche collaborateur de Amadou Ali entend travailler désormais autrement pour l’avenir du Cameroun. C’était déjà peut-être, un symbole : sa dernière apparition publique sous le statut de ministre délégué auprès du ministre de la Justice, garde des Sceaux, il l’a réservée au monde universitaire. Vendredi dernier, le Professeur Maurice Kamto, en tant que directeur scientifique, a présenté un nouvel ouvrage collectif et ses principaux rédacteurs dans l’antre de l’université de Yaoundé I à Ngoa Ekelle. «La Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et le Protocole y relatif portant création de la cour africaine des droits de l’Homme. Commentaire article par article». Tel est le titre de cet ouvrage de 1641 pages dont le projet a été lancé en 1995, qui devait être finalisé en 2001 et qui est publié 10 ans plus tard.
Mais vendredi dernier à Ngoa Ekelle, dans ce même mini amphi où il électrisait les étudiants de droit public pendant les années 80 notamment, Maurice Kamto n’a rien laissé paraître. Reprenant le chemin du bureau lundi matin, comme si de rien n’était. Et même lors du Conseil de cabinet tenu hier, jour inhabituel pour une telle instance, à l’immeuble Etoile à Yaoundé, personne ne s’est douté de rien.
Et pourtant, nous avons reçu hier en soirée un communiqué de presse plutôt court : «J’ai l’honneur de porter à la connaissance du peuple camerounais ma décision de me retirer de mes fonctions de ministre délégué auprès du ministre de la Justice, à compter de ce jour, 30 novembre 2011. Cette décision n’est pas –et ne saurait en aucune manière être interprétée comme- une remise en cause de l’issue de l’élection présidentielle du 09 octobre 2011… à laquelle je n’étais du reste pas candidat. J’entends continuer, autrement, à apporter ma modeste contribution à l’?uvre exigeante, mais combien exaltante d’édification de l’avenir de notre cher et beau pays, le Cameroun, dans la paix et l’attachement aux valeurs et principes républicains».
Un communiqué sobre donc, d’où ne transparaît aucune raison majeur de quitter le navire au moment où le pays tout entier attend la composition d’un nouveau gouvernement. Que s’est-il passé dans l’intervalle ? Peut-on mettre ce départ en relation avec une campagne lancée il y a quelques semaines par l’universitaire James Kobilla Mouangue qui accusait ouvertement le Pr Kamto de l’avoir plagié ? Ou alors dans les luttes d’intrigues qui font rage dans la région de l’Ouest et particulièrement dans son département d’origine des Hauts Plateaux ? Difficile à dire.
Mémoire de Bakassi
Seule certitude d’observateur averti, Maurice Kamto n’a pas été beaucoup aperçu ces derniers mois en public. Ni lors du congrès ordinaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), ni tout au long de la campagne pour l’élection présidentielle où pourtant tous les collaborateurs du chef de l’Etat ont brillé par leur zèle à défendre les idées de «l’homme du Renouveau» et désormais des «grandes réalisations».
En tout état de cause, c’est une démission qui va avoir un effet de coup de tonnerre et qui ne pourra pas passer inaperçue, en dépit d’un agenda politique passablement chargé, avec entre autre l’ouverture ce jour d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale probablement lourde de conséquences (lire par ailleurs). D’abord parce que, dans les habitudes de notre République, c’est un acte peu ordinaire : le dernier membre du gouvernement à avoir démissionné pour des raisons personnelles étant Garga Haman Adji, en 1992. Ensuite parce que, bien qu’ayant occupé une fonction ministérielle peu en vue, parce que à l’ombre d’un géant et pilier du gouvernement, Amadou Ali, Maurice Kamto n’en était pas moins l’une des chevilles ouvrières, et probablement la plus grande mémoire du conflit frontalier de Bakassi qui a longtemps opposé le Cameroun au Nigeria voisin, et dont les effets de l’arrangement à l’amiable continuaient d’occuper l’équipe tout le temps sur le terrain.
Mais comme il le dit si bien à la fin de son communiqué de presse en indiquant qu’il entend «continuer, autrement, à apporter ma modeste contribution à l’oeuvre exigeante, mais combien exaltante d’édification de l’avenir de notre cher et beau pays, le Cameroun», Maurice Kamto ne devrait pas chômer. L’ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Yaoundé II-Soa, en plus d’être avocat au barreau de Paris, a mis sur pied il y a 17 ans un cabinet juridique pluridisciplinaire qui s’est taillé, en peu de temps, une place de choix tant au plan national qu’international, en se présentant aujourd’hui comme l’un des meilleurs cabinets juridique et fiscal en Afrique et un leader dans la sous région Cemac.
Bien plus, à 57 ans, Maurice Kamto pourra désormais se consacrer pleinement à sa nouvelle fonction de président de la Commission du droit international (Cdi) des Nations Unies dont il est membre depuis de nombreuses années, et où il a été élu au mois de juin dernier. Dans un cas comme dans tous les autres, on peut parier qu’on n’a pas fini de parler de lui…
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